(poème par André Breton)
Un homme assis
Dont l'œil est comme un chat qui tourne autour d'un pot de chiendent
Un homme cerné
Et par sa fenêtre
Le concile des divinités trompeuses inflexibles
Qui se lèvent chaque matin en plus grand nombre du brouillard
Au carrefour des routes nomades
(...)
Un homme
Autour de qui on a tracé un cercle
Comme autour d'une poule
Enseveli vivant dans le reflet des nappes bleues
Empilées à l'infini dans son armoire
Un homme à la tête cousue
Dans les bas du soleil couchant
Et dont les mains sont des poissons-coffres
Ce pays ressemble à une immense boîte de nuit
Avec ses femmes venues du bout du monde
Dont les épaules roulent les galets de toutes les mers
Les agences américaines n'ont pas oublié de pourvoir à ces chefs indiens
Sur les terres desquels on a foré les puits
Et qui ne restent libres de se déplacer
Que dans les limites imposées par le traité de guerre
La richesse inutile
Les mille paupières de l'eau qui dort
(...)
Je garde pour l'histoire poétique
Le nom de ce chef dépossédé qui est un peu le nôtre
De cet homme seul engagé dans le grand circuit
De cet homme superbement rouillé dans une machine neuve
Qui met le vent en berne
Il s'appelle
Il porte le nom flamboyant deCours-les toutes
A la vie à la mort cours à la fois les deux lièvres
Cours ta chance qui est une volée de cloches de fête et d'alarme
Cours les créatures de tes rêves qui défaillent rouées à leurs jupons blancs
Cours la bague sans doigt
Cours la tête de l'avalanche
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