Je vous assure, messieurs : avoir une conscience trop développée, c’est une maladie, une maladie dans le plein sens du terme. Dites-moi une chose : pourquoi est-ce que plus je prenais conscience du bien, de tout ce « beau » et ce « sublime », plus je m’engluais dans mon marais, et plus j’étais capable de m’y noyer complètement ?
(...)
Au fond du cœur, on n’y croit pas, qu’on souffre, c’est un sarcasme qui vous remue, mais moi, je souffre, et de la manière la plus vraie, la plus règlementaire ; je suis jaloux, je bous et je trépigne… Et tout cela, messieurs, c’est par ennui – oui, par ennui ; le poids de l’inertie. Car elle est un fruit direct, légitime, une conséquence logique de la conscience, cette inertie – cette position consciente les bras croisés. J’en ai parlé plus haut. Je le répète, je répète et j’insiste : les hommes spontanés, les hommes d’action sont justement des hommes d’action parce qu’ils sont bêtes et limités. Comment j’explique cela ? Très simple : c’est cette limitation qui leur fait prendre les causes les plus immédiates, donc les causes secondaires, pour des causes premières ; ainsi parviennent-ils plus facilement et plus vite que les autres à se convaincre d’avoir trouvé la base indubitable de leur affaire – et ça les tranquillise ; et c’est là l’essentiel. Parce que, pour se mettre à agir, il faut d’abord avoir l’esprit tranquille, il faut qu’il n’y ait plus la moindre place pour les doutes.
(Fiodor Dostoïevski in "notes from the underground")
Saturday, 10 November 2012
carnets du sous-sol
Posted by O Coxo at 20:50
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